vendredi 9 janvier 2015

Les Montpelliérains dans leurs trams

Le comportement des habitants de Montpellier dans le tram : la solidarité existe-t-elle encore ?

« Je fais partie de la génération », déclare la dame dans la soixantaine avec un sourire moqueur, « qui n’a jamais eu le droit de s’asseoir dans un tram. Quand j’étais enfants, on était obligés de laisser nos places aux adultes. Quand j’étais adulte, je me suis levée pour les vieux. Et maintenant que je suis vieille moi-même, il faut laisser les places pour les enfants et les jeunes. »

L’occupation des places dans les trams préoccupe beaucoup de Montpelliérains. « A mon époque », commente un Monsieur un peu plus jeune que la dame précédente, « les mères ont pris les enfants sur leurs genoux, et les jeunes faisaient place aux personnes âgées. Aujourd’hui, tout a changé. Il est normal - au moins pour les mères - qu’un enfant de trois ou cinq ans occupe une place, la mère l’autre, même s’il y a de vieilles personnes qui sont debout. Parfois, un enfant et sa mère occupent même quatre places : l’enfant flippe d’une place à l’autre et dérange tellement que personne n’a envie de s’assoir près de lui. Et la mère, bien entendu, elle ne dit rien. »

« Si vous le croyez ou pas », raconte une dame dans la quarantaine, « j’ai vu une jeune fille se lever dans un tram assez rempli. Mais pas pour une personne âgée - les personnes âgées étaient obligées de rester debout, parce que la plupart des places étaient prises par les jeunes - mais pour un enfant de peut-être six ans. Je suis d’accord que les enfants doivent sécurisée dans le tram, mais il y a des limites de politesse, quand même. »

Toutefois, il y a de plus en plus de Montpelliérains qui n’ont même plus envie de s’asseoir dans un tram. « On peut s’asseoir si on porte de jeans ou d’autres vêtements simples », se plaint une dame également dans la quarantaine. « Mais si on prend le tram pour aller travailler, on porte forcément des vêtements un peu plus stylés, propres. Comme les jeunes ont tout le temps leurs pieds sur les sièges, ce n’est pas la peine de s’asseoir, on salit ses vêtements. » Et elle ajoute : « Ce ne sont pas seulement les jeunes qui ont leur pieds sur les sièges. J’ai vu plusieurs fois des enfants debout sur les sièges, avec chaussures et tout. Leurs mamans à côté qui, apparemment, trouvent ça bien. »

Des jeunes qui occupent les sièges, des sièges sales : « dernièrement, on voit souvent une sorte de voile blanc visqueux sur les sièges qui a l’air dégueulasse », explique une lycéenne, … beaucoup de Montpelliérains non seulement au-dessus de trente ans ont perdu l’enthousiasme pour leur tram : « Je me sens mal dans le tram », répond un Monsieur d’une quarantaine d’années à la question de l’équipe de Montpellier Presse Online. « Il est pratique, bien sûr, et je l’utilise parce qu’on ne trouve pas de parking en ville. Mais je suis content quand j'en peux sortir. »

« Non, ce ne sont pas seulement les jeunes qui empêchent les autres de s’asseoir », révèle une dame dans la cinquantaine son déplaisir. « Ce sont des gens de tous les âges qui, au lieu de se contenter d’un siège, en prennent deux. Le deuxième est occupé par des sacs à mains ou des sacs plastiques ou les gens s’assoient au milieu du banc pour qu’il ne reste pas de place pour une deuxième personne. Et ça marche : personne n’ose dire quelque chose. Comme si les gens avaient peur les uns des autres. »

La peur, comme l’appelle la dame, s’exprime dans une « non-communication totale. Je vois des jeunes dans le tram, un à côté de l’autre, chacun avec des boutons aux oreilles et le téléphone dans la main. Ils ne se regardent pas, ils ne se parlent pas, ils auraient peut-être des idées pareilles, pourraient devenir amis », ajoute le Monsieur d’une soixantaine d’années, « mais non, chacun pour soi. Je me rappelle le temps où on pouvait faire des connaissances intéressantes dans les transports publiques, même trouver des copains. Mais ces temps n’existent plus. Et ça ne regarde pas seulement les jeunes. »

Une dame d’environ 35 ans trouve « normal » de rester debout dans le tram. Elle n’a pas envie, comme elle dit, de se bagarrer pour avoir une place. Toutefois : « Je ne comprends pas, pour quelle raison les gens restent tous serrés devant les portes. Ils empêchent les autres d’entrer ou de sortir, ils reçoivent des coups - donnés par mégarde ou volontairement - et on s’engueule. Au milieu, les trams sont souvent vides. Je me demande, si ça fait plaisir aux gens de déranger et provoquer les autres - et d’être dérangés eux-mêmes. »

« Ce qui me choque le plus dans le tram », relate un Monsieur d’une cinquantaine d’années, « c’est l’alcool. A certaines heures, le tram est rempli de jeunes qui tiennent leur bouteille d’alcool dans la main. »

« Oui, j’ai vu de solidarité dans le tram », contredit une dame d’à peu près le même âge la plupart des personnes interrogées, « des gens qui se lèvent pour ceux qui ont besoin d’une place, ça existe. Parmi les adultes et les jeunes. J’ai aussi vu des bras se lever pour aider des personnes qui risquent de tomber dans un virage. Mais il est vrai que la solidarité devient de plus en plus rare. Les habitants d’une même ville deviennent des étrangers. C'est triste. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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