Une nouvelle place au centre-ville de Montpellier : construire à côté de la gare Saint-Roch
Projet prestigieux dont les frais ont même découragé
Georges Frèche : couvrir les voies de chemin de fer entre la gare St. Roch
de Montpellier et le Pont de Lattes. Mais Philippe Saurel n’est pas George
Frèche - le nouveau maire de Montpellier est persuadé qu'il trouvera la possibilité
d’offrir aux Montpelliérains une grosse dalle au-dessus des voies SNCF. Il créera
de cette manière une nouvelle place de 4000 mètres carrés en plein centre-ville,
et cela encore avant la fin de son mandat.
Bien que l’idée des voies couverte et de la grande
place à côté de la gare a beaucoup plu à George Frèche, il a reculé devant les
frais. Déjà la nouvelle gare, dans sa présentation actuelle, a coûté 57,2
millions d’euros partagés entre la Région du Languedoc-Roussillon, la SNCF et la
RFF, le département de l’Hérault, l’Agglomération et, bien sûr, la ville de
Montpellier. La couverture des voies aurait porté la facture à 86 millions
d’euros.
Les Montpelliérains qui fréquentent la gare savent que George Frèche n’a
pas entièrement renoncé à son rêve de couverture des voies SNCF : déjà,
une passerelle de 80 mètres lie le pont de Lattes à la gare et rapproche le
Polygone aux voyageurs qui arrivent à la gare - ou qui ont besoin de meubler leur temps d’attente par quelques petits cours au centre commercial.
De toute manière, la nouvelle gare « voit
grand » : pour l’année 2020, on y attend quelque dix millions de
voyageurs - et cela malgré la gare TGV près de
l’Odysseum qui, au moins théoriquement, sera inaugurée en 2017. Mais ces
millions de voyageurs et les 1500 mètres carrés de surface commerciale dont la
ville espère un véritable flot d’impôts justifient-ils les presque 30 millions
euros de plus ?
« Oui, je connais la nouvelle gare de
Montpellier, évidemment, j’habite à Montpellier depuis trente ans »,
raconte la dame dans la soixantaine, demandée par l’équipe de Montpellier Presse Online ce qu’elle pense de la gare Saint Roch et,
notamment, si elle est au courant du projet de la dalle de 4000 mètres carrés.
« En général », poursuit-elle, j’aime bien
le nouveau bâtiment. Il est lumineux - j’aime surtout la luminosité sur les
quais - et bien accessible pour les handicapés. Le fils de mon amie est
handicapé. Oui, j’ai aussi lu qu’ils veulent couvrir les voies. Mais je ne
sais pas si ce n’est pas trop cher. D’un autre côté, si le maire veut réaliser
ce projet, il sait ce qu’il dit. Je ne crois pas qu’il nous lancerait dans un projet fantaisiste. »
Peu de Montpelliérains pensent aux frais, bien
qu’ils sachent qu’une bonne partie du prix de la dalle sera payée avec leurs
impôts. « Je trouve ça génial », s’enthousiasme par exemple un homme dans la
trentaine. On n’a pas assez de places à Montpellier. Il y a la Comédie, mais
après, il n’y a pas grand-chose. Une grande place supplémentaire, on pourrait y
inviter des chanteurs, des musiciens, des groupes de théâtre, des danseurs… Et
de petits commerces, bien sûr. Il serait bien, aussi, d’y mettre plein de bancs
pour que tout le monde puisse faire son pique-nique, se reposer et attendre son
train. Les touristes qui viennent pour la première fois à Montpellier auraient
tout de suite une bonne impression de la ville… »
Un Monsieur d’une trentaine d’années plus âgé que le
précédent se fait des soucis pour la sécurité. « Sécuriser une place si
grande au-dessus des raies coûte une fortune. Même avec des dizaines de
millions, la sécurité ne sera pas garantie. Le projet est trop grand, trop audacieux.
Les architectes feront tout ce qu'ils peuvent pour la sécurité, sans doute, mais combien de
constructions ‘sûres’ ont déjà mené à la catastrophe ? Je pense au pont en
construction à Bayonne, il y a deux ans, dont une partie s’est effondrée et a blessé
plusieurs ouvriers. Ou la même chose à Andorra, 2009, où plusieurs personnes
ont été tuées », continue le Monsieur qui paraît avoir une très bonne
mémoire. « Ou 1992, l’effondrement de la tribune pendant la coupe de France à
Bastia… Tous ces constructions étaient ‘garanties’ par leurs architectes. A-t-on vraiment
besoin d’une catastrophe à Montpellier ? Si, un jour, la place s’effondre
et tombe sur la voie - ou même sur un train… »
Le projet fait moins de soucis à une dame dans la cinquantaine.
« Oui, je sais, on en a parlé déjà à l’époque de Monsieur Frèche. Je n’ai
rien contre une place à côté de la gare, elle sera certainement agréable. Mais
avons-nous vraiment besoin de tout ça, de plusieurs gares, de la nouvelle place,... ? Je trouve que ça coûte trop cher
et ne change pas la vie des gens d'ici. On pourrait donner l’argent aux
pauvres, n’est-ce pas ? »
Comme beaucoup d’autres Montpelliérains interrogés
par Montpellier Presse Online, la dame dans la trentaine n’a pas encore entendu
parler du projet. « Je ne sais pas », réfléchit-t-elle, « ça
serait chouette, non ? Les raies ouvertes entre les deux ponts, ça ne fait pas
vraiment joli. » Et sur la question, si elle connaît déjà la passerelle
entre la gare et le pont de Lattes, elle répond : « Oui, je l’ai
utilisé plusieurs fois, et je trouve l’idée vraiment bien. L’accès est facile
et sécurisé - pas de trams, pas de voitures. Par contre, je n’aime pas accéder à
la gare du côté de la grande place. Avec tous les trams qui y passent
maintenant, elle est devenue très dangereuse. »
Et une autre dame, d’une dizaine d’années plus âgée
que la précédente, exprime ce que plusieurs personnes ont formulé plus ou
moins de la même façon : « Montpellier est devenu une ville
importante. Mais les ambitions des maires, d’abord George Frèche, maintenant
Philippe Saurel, sont encore plus importantes. L’idée d’une place à côté de la
gare, elle me plaît. Mais elle est tellement chère que je ne la trouve pas
censée. On pourrait utiliser l’argent pour d’autres projets plus accessibles
mais moins ambitieux. Depuis des années, on paie trop pour les ambitions de nos
maires. Nos maires deviennent trop chers, enfin, pas eux, mais leurs idées… »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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