vendredi 16 janvier 2015

La gare de Montpellier : une place au-dessus des raies

Une nouvelle place au centre-ville de Montpellier : construire à côté de la gare Saint-Roch

Projet prestigieux dont les frais ont même découragé Georges Frèche : couvrir les voies de chemin de fer entre la gare St. Roch de Montpellier et le Pont de Lattes. Mais Philippe Saurel n’est pas George Frèche - le nouveau maire de Montpellier est persuadé qu'il trouvera la possibilité d’offrir aux Montpelliérains une grosse dalle au-dessus des voies SNCF. Il créera de cette manière une nouvelle place de 4000 mètres carrés en plein centre-ville, et cela encore avant la fin de son mandat.

Bien que l’idée des voies couverte et de la grande place à côté de la gare a beaucoup plu à George Frèche, il a reculé devant les frais. Déjà la nouvelle gare, dans sa présentation actuelle, a coûté 57,2 millions d’euros partagés entre la Région du Languedoc-Roussillon, la SNCF et la RFF, le département de l’Hérault, l’Agglomération et, bien sûr, la ville de Montpellier. La couverture des voies aurait porté la facture à 86 millions d’euros.

Les Montpelliérains qui fréquentent la gare savent que George Frèche n’a pas entièrement renoncé à son rêve de couverture des voies SNCF : déjà, une passerelle de 80 mètres lie le pont de Lattes à la gare et rapproche le Polygone aux voyageurs qui arrivent à la gare - ou qui ont besoin de meubler leur temps d’attente par quelques petits cours au centre commercial.

De toute manière, la nouvelle gare « voit grand » : pour l’année 2020, on y attend quelque dix millions de voyageurs - et cela malgré la gare TGV près de l’Odysseum qui, au moins théoriquement, sera inaugurée en 2017. Mais ces millions de voyageurs et les 1500 mètres carrés de surface commerciale dont la ville espère un véritable flot d’impôts justifient-ils les presque 30 millions euros de plus ?

« Oui, je connais la nouvelle gare de Montpellier, évidemment, j’habite à Montpellier depuis trente ans », raconte la dame dans la soixantaine, demandée par l’équipe de Montpellier Presse Online ce qu’elle pense de la gare Saint Roch et, notamment, si elle est au courant du projet de la dalle de 4000 mètres carrés.

« En général », poursuit-elle, j’aime bien le nouveau bâtiment. Il est lumineux - j’aime surtout la luminosité sur les quais - et bien accessible pour les handicapés. Le fils de mon amie est handicapé. Oui, j’ai aussi lu qu’ils veulent couvrir les voies. Mais je ne sais pas si ce n’est pas trop cher. D’un autre côté, si le maire veut réaliser ce projet, il sait ce qu’il dit. Je ne crois pas qu’il nous lancerait dans un projet fantaisiste. »

Peu de Montpelliérains pensent aux frais, bien qu’ils sachent qu’une bonne partie du prix de la dalle sera payée avec leurs impôts. « Je trouve ça génial », s’enthousiasme par exemple un homme dans la trentaine. On n’a pas assez de places à Montpellier. Il y a la Comédie, mais après, il n’y a pas grand-chose. Une grande place supplémentaire, on pourrait y inviter des chanteurs, des musiciens, des groupes de théâtre, des danseurs… Et de petits commerces, bien sûr. Il serait bien, aussi, d’y mettre plein de bancs pour que tout le monde puisse faire son pique-nique, se reposer et attendre son train. Les touristes qui viennent pour la première fois à Montpellier auraient tout de suite une bonne impression de la ville… »

Un Monsieur d’une trentaine d’années plus âgé que le précédent se fait des soucis pour la sécurité. « Sécuriser une place si grande au-dessus des raies coûte une fortune. Même avec des dizaines de millions, la sécurité ne sera pas garantie. Le projet est trop grand, trop audacieux. Les architectes feront tout ce qu'ils peuvent pour la sécurité, sans doute, mais combien de constructions ‘sûres’ ont déjà mené à la catastrophe ? Je pense au pont en construction à Bayonne, il y a deux ans, dont une partie s’est effondrée et a blessé plusieurs ouvriers. Ou la même chose à Andorra, 2009, où plusieurs personnes ont été tuées », continue le Monsieur qui paraît avoir une très bonne mémoire. « Ou 1992, l’effondrement de la tribune pendant la coupe de France à Bastia… Tous ces constructions étaient ‘garanties’ par leurs architectes. A-t-on vraiment besoin d’une catastrophe à Montpellier ? Si, un jour, la place s’effondre et tombe sur la voie - ou même sur un train… »

Le projet fait moins de soucis à une dame dans la cinquantaine. « Oui, je sais, on en a parlé déjà à l’époque de Monsieur Frèche. Je n’ai rien contre une place à côté de la gare, elle sera certainement agréable. Mais avons-nous vraiment besoin de tout ça, de plusieurs gares, de la nouvelle place,... ? Je trouve que ça coûte trop cher et ne change pas la vie des gens d'ici. On pourrait donner l’argent aux pauvres, n’est-ce pas ? »

Comme beaucoup d’autres Montpelliérains interrogés par Montpellier Presse Online, la dame dans la trentaine n’a pas encore entendu parler du projet. « Je ne sais pas », réfléchit-t-elle, « ça serait chouette, non ? Les raies ouvertes entre les deux ponts, ça ne fait pas vraiment joli. » Et sur la question, si elle connaît déjà la passerelle entre la gare et le pont de Lattes, elle répond : « Oui, je l’ai utilisé plusieurs fois, et je trouve l’idée vraiment bien. L’accès est facile et sécurisé - pas de trams, pas de voitures. Par contre, je n’aime pas accéder à la gare du côté de la grande place. Avec tous les trams qui y passent maintenant, elle est devenue très dangereuse. »

Et une autre dame, d’une dizaine d’années plus âgée que la précédente, exprime ce que plusieurs personnes ont formulé plus ou moins de la même façon : « Montpellier est devenu une ville importante. Mais les ambitions des maires, d’abord George Frèche, maintenant Philippe Saurel, sont encore plus importantes. L’idée d’une place à côté de la gare, elle me plaît. Mais elle est tellement chère que je ne la trouve pas censée. On pourrait utiliser l’argent pour d’autres projets plus accessibles mais moins ambitieux. Depuis des années, on paie trop pour les ambitions de nos maires. Nos maires deviennent trop chers, enfin, pas eux, mais leurs idées… »
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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