mercredi 13 juillet 2011

Montpellier centre : bus, travaux, faire la fête et le respect des voisins

Micro-trottoir : la qualité de la vie au centre de Montpellier

Les bus en Montpellier centreSamedi après-midi, rue Levat, une petite rue près de la gare de Montpellier. Comme partout, les habitants du coin passent le samedi au repos, d'autres discutent ou regardent la télé. Le niveau sonore est "normal" - les fenêtres grand ouvertes dans l'espoir qu'un brin d'air courant entre dans les appartements font entendre les bus qui peinent dans les rues étroites du centre, les travaux, les enfants qui jouent et les mères qui crient sur leurs enfants...

Bref, un samedi après-midi en centre ville de Montpellier absolument ordinaire. Jusqu'à ce que, tout à coup, le bruit "ambiant" soit effacé par un déluge de musique rock. Une musique si forte que, dans quelques appartements, les conversations se meurent - on ne s'entend plus.

La source du vacarme est vite tracée. Une boutique a sorti les baffles pour accompagner un défilé de mode sur un des petits trottoirs qui ne sont pas bloqués par les travaux. Des habitants du quartier rouspètent, d'autres se plaignent, mais personne ne "fait" quelque chose.

"Ils ont certainement la permission de la ville", réfléchit un Monsieur d'une cinquantaine d'années, "sinon ils n'oseraient pas. - "Pas sûr", répond une dame d'à peu près le même âge, "mais de toute manière pas à ce volume." - "La mairie en serait capable", s'en mêle une dame un peu plus jeune que l'autre. "Ces messieurs dames habitent des villas climatisées, pas un petit appartement au centre où on a besoin d'ouvrir les fenêtres pour respirer."

Changement d'heure et de scénario. Il est lundi, 23 heures, dans la rue d'Alger. Beaucoup d'habitants dorment déjà, prêts à travailler tôt le lendemain. Mais tout à coup, ils se réveillent en sursaut. La rue est éclairée par des lumières aveuglantes, et l'air est rempli par le bruit d'une tractopelle.

Une habitante de la rue qui est obligée de partir travailler à sept heures - "mon chef ne demande pas si les décideurs des travaux me permettent de dormir... Si mon travail n'est pas satisfaisant, je perds mon poste" - refuse de se montrer compréhensible. "Je comprends que les travaux sont plus faciles la nuit, quand il n'y a pas beaucoup de monde dans la rue", confie-t-elle le lendemain à l'équipe de Montpellier Presse Online. Puis elle rigole amèrement. "C'est un peu normal, Parce que la nuit, les gens dorment. Ou, justement, ils ne dorment pas, à cause des travaux nocturnes. Je trouve que c'est", elle hésite, "on ne respecte pas les gens." Et elle répète : "Non, on ne nous respecte pas du tout."

Embouteillages à MontpellierLe respect - ou, plutôt, le manque de respect - tracasse aussi une autre Montpelliéraine qui vit au centre ville. "Ça fait plus de dix ans que j'habite ici", raconte-t-elle. "Et avant, c'était assez sympa. Mais maintenant, il y a deux choses qui gâchent tout : les travaux et les gens qui ont de moins en moins de respect."

Côté travaux, les habitants du centre ville sont conscients que le gène est temporaire. Cependant : "Temporaire, je veux bien", se fâche une dame d'une soixantaine d'années. "Mais on parle pas de quelques jours, mais de plusieurs années. Et du bruit et du chaos qui dure plusieurs années, c'est inconcevable."

La dame ne parle pas des embouteillages - "je n'ai pas de voiture" - mais des problèmes des piétons. "Les trottoirs sont bloqués par les travaux ou les gens qui attendent des bus. Il y a des bus partout. Et le pire c'est qu'ils ont enlevé les feux aux passages pour piétons. On ne voit plus, si une voiture est censée s'arrêter ou non. Mais la voiture, comme le feu marche de son côté, ne peut pas savoir que le piéton ne sait pas... C'est si dangereux..."

Les piétons qui ont besoin de passer par la rue Pagézy parlent aussi de danger. "Le trottoir est tout le temps bloqué par les gens qui attendent les bus. Et quand un bus arrive, ils foncent sans regarder. Et on ne peut pas marcher dans la rue, à cause des bus", se plaint une dame dans la quarantaine qui prend tous les jours la rue Pagézy pour joindre la Comédie. Mais une dame un peu plus âgée voit encore un autre problème. "Le trottoir dans la rue Pagézy est très mauvais. Il est plein de trous. Une fois, j'ai vu tomber une dame. En tombant, elle est glissée sur la chaussée. Mais elle a eu de la chance : elle a pu se lever juste avant qu'un bus apparaisse au coin de la rue, à peine dix mètres plus loin. Les bus roulent toujours si vite, je doute qu'il aurait pu s'arrêter... La ville fait tant de travaux 'prestigieux', mais jamais un sous pour les piétons. Elle pourrait quand même faire un effort pour arranger les trottoirs pleins de trous."

Un Monsieur qui habite la rue Durand ne se plaint pas seulement des bus. "On n'a jamais vécu un été si affreux que celui-ci", constate-t-il. "Si on veut être tranquille, il faut profiter de la nuit entre quatre et sept heures - on a trois heures pour dormir, pas plus." Et il trace un "horaire du bruit" du centre ville : "À partir de sept heures, les enfants commencent à crier et on entend les mères désespérées avec leurs "assez" et "arrête" finalement plus bruyants que les enfants. Vers neuf heures, les travaux recommencent, et là, tout essai d'entendre autre chose devient impossible. Et tout le temps, tout le temps, on entend les bus. Le soir, quand les travaux s'arrêtent enfin, les fêtes commencent."

Les "fêtes" gênent aussi d'autres personnes. "Avant, les gens ont annoncé leurs fêtes." raconte une dame dans la cinquantaine. "C'était des jours spéciaux, comme des anniversaires. Mais entre-temps, ils font la fête tous les jours, et l'un crie plus fort que l'autre. Si, à trois heures le matin, on se plaint, ils rigolent. On peut pas compter sur la police, parce qu'elle dit qu'il faut faire appel au syndic. Et le syndic, il n'en a rien à faire..."

Un Monsieur qui a la même expérience essaie d'analyser le phénomène. "C'est une question de respect. Mais avec tous leurs problèmes, les gens perdent le respect. Entre le chômage et la vie dans une ambiance désagréable et pleine de bruit, on perd son respect - de soi-même et des autres. En face de moi", poursuivit-il, "j'ai une voisine dont la télé est allumée jour et nuit. Elle met le son si fort que j'entends tout, les pubs, les films, tout. C'est désespérant. Pas une minute de pause, jusqu'à tard la nuit. J'ai parlé avec elle plusieurs fois, et chaque fois, elle a promis de baisser le son - mais elle ne le fait jamais. C'est cela la perte du respect."

"Ce qui me fâche le plus", raconte un Monsieur dans la trentaine, "est qu'ils disent toujours qu'ils travaillent pour améliorer la vie à Montpellier. Je ne sais pas ce qu'ils veulent améliorer - mais on peut être sûr que, s'ils parlent d'améliorer, on a une longue phase d'ennuis devant nous. Et on ose encore parler de qualité de vie à Montpellier."

Les gens vont-il retrouver le respect de leurs voisins quand, après la fin des travaux, ils auront la possibilité de vivre de nouveau dans une ambiance plus tranquille ? - "On verra", répond le Monsieur, "on peut toujours espérer..."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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